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SPAC : Les Cles D’Une Operation Reussie
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SPAC : Les Cles D’Une Operation Reussie
February 3, 2021
Cet article, publié dans Fusions & Acquisitions Magazine, est réédité avec l’autorisation du magazine. Les opinions figurant dans cet article sont celles de ses auteurs ; elles ne reflètent ni les opinions de Winston & Strawn LLP, ni celles de ces clients.
Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari ont annoncé en décembre 2020 le succès de l’introduction en bourse de 2MX Organic, véhicule nouvellement constitué destiné à réaliser des acquisitions dans la production et la distribution de biens de consommation durables qui a réussi à lever 300 millions d’euros auprès d’investisseurs qualifiés en France et à l’étranger[1]. Après le succès de l’introduction en bourse de Mediawan en avril 2016, 2MX Organic est le deuxième special purpose acquisition company (SPAC) à être immatriculé, lancé et coté en France sur Euronext Paris.
Ce type d’introductions en bourse, développé aux Etats-Unis depuis plus de deux décennies, a connu une accélération au cours des dix dernières années, atteignant une année record en 2020 avec 237 SPACs lancés pour un montant total de 80 milliards de dollars levés[2]. En Europe, ce type d’opérations est connu mais encore peu développé, alors que l’Europe et plus particulièrement la France disposent de tous les ingrédients nécessaires au succès de SPACs.
1 - Une société opérationnelle en devenir
Un SPAC est une société commerciale ayant vocation à devenir une société opérationnelle à compter de son DE-SPACing, c’est-à-dire à compter de la date de réalisation de l’acquisition initiale (initial business combination) pour laquelle il a été constitué, qui doit intervenir dans un délai de 24 mois suivant la date de la cotation du SPAC.
Un SPAC n’est pas un fonds, que ce soit d’un point de vue juridique - il s’agit d’une société commerciale - ou d’un point de vue réglementaire dans la mesure où le SPAC ne remplit pas les critères des fonds alternatifs d’investissement (FIA) au sens des dispositions du Code monétaire et financier et de la Directive AIFM[3].
A compter de sa date de cotation, le SPAC va chercher des cibles, sélectionner une ou plusieurs d’entre elles et réaliser l’acquisition initiale afin de procéder à son DE-SPACing. C’est la réalisation de cette opération structurante qui déterminera le succès du SPAC.
2 - Un projet porté par une équipe
Le projet présenté par le SPAC doit être porté par une équipe constituée des fondateurs (ou sponsors) du SPAC, à l’origine du projet, et des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, selon la gouvernance mise en place au sein du SPAC.
Le profil et le parcours professionnel des fondateurs, ainsi que leur connaissance du secteur, sont un gage de sérieux du projet : la légitimité du SPAC repose sur ces derniers. Les fondateurs doivent également convaincre les investisseurs de la capacité de l’équipe à réaliser l’acquisition initiale dans le secteur proposé et dans le délai imparti. En effet, à défaut de réalisation de l’opération dans le délai de 24 mois suivant sa cotation, il sera procédé à la liquidation du SPAC.
A cet égard, le succès des SPACs Mediawan et 2MX Organic réside en grande partie dans la complémentarité des profils de ses fondateurs. Cela ne signifie pas que le succès d’un SPAC repose sur la notoriété de ces derniers, mais bien plus sur le track record dans le secteur concerné et sur la qualité de deal maker de ses fondateurs.
Contrairement à une introduction en bourse classique, pour laquelle l’historique et le projet de développement de la société seront valorisés, le SPAC est un pari sur l’avenir écrit à partir d’une page blanche. La qualité du projet doit donc être irréprochable pour convaincre les investisseurs, de plus en plus sollicités sur ce type d’opérations.
Le projet porte à la fois sur un secteur déterminé, mais également sur la possibilité de constituer un groupe par voie d’opérations de croissance externe. Le secteur visé doit donc avoir un fort potentiel de développement tout en permettant une consolidation de ses actifs et/ou de ses acteurs. Le SPAC peut ainsi être un véhicule qui permet en un temps réduit de constituer un champion européen capable de rivaliser avec des groupes américains, chinois ou indiens.
3 – Des fondateurs à risque bénéficiant d’un fort effet de levier
Jusqu’au DE-SPACing, le risque est porté par les seuls fondateurs, dont l’investissement initial va financer les coûts d’introduction en bourse, de fonctionnement, de recherche de cibles et de réalisation de l’acquisition initiale. La contrepartie de cette prise de risque est le bénéfice pour les fondateurs d’un effet de levier immédiat (promote) au jour de l’introduction en bourse. En ayant investi environ 2,5% des fonds détenus par le SPAC, ils détiendront 20% du capital social et des droits de vote dudit SPAC.
Les titres détenus par les fondateurs, constitués d’actions de préférence et de bons de souscription d’actions ordinaires, ne sont pas cotés ; en cas de réalisation de l’acquisition initiale, leurs actions de préférence seront converties en actions ordinaires cotées et fongibles avec les actions détenues par les investisseurs.
4 - Des investisseurs sécurisés
Le terme de blank check company, souvent utilisé pour parler de SPAC, ne doit pas induire le public en erreur : loin de faire un véritable chèque en blanc aux fondateurs, les investisseurs d’un SPAC sont en réalité bien plus sécurisés que les investisseurs d’une introduction en bourse classique. En effet, les fonds levés auprès des investisseurs à l’occasion de l’introduction en bourse du SPAC sont placés sur un compte séquestre ou un compte bloqué et ne peuvent être libérés que pour les besoins de la réalisation de l’acquisition initiale ou, à défaut, la liquidation du SPAC.
En l’absence de DE-SPACing dans le délai imparti, le SPAC est liquidé et tous les investisseurs sont remboursés au prix de l’introduction en bourse et en priorité par rapport aux fondateurs. En cas de DE-SPACing, les investisseurs qui ne souhaitent pas soutenir le projet d’acquisition initiale sélectionné ont la faculté de demander le rachat par la société de leurs titres au prix de l’introduction en bourse.
Les investisseurs d’un SPAC ne prennent ainsi de véritable risque qu’à compter du DE-SPACing, s’ils soutiennent le projet d’acquisition initiale retenu et souhaitent demeurer actionnaires du SPAC. Ils supportent alors le même risque que n’importe quel actionnaire d’une société cotée et ont toujours la possibilité, grâce à la liquidité offerte par la cotation, de quitter la société à tout moment en cédant leurs titres.
5 - Une opération M&A structurante
L’objet du SPAC est de réaliser une acquisition initiale, qui peut porter sur un actif ou une société cible unique ou sur plusieurs actifs et cibles à la fois, afin de devenir une société opérationnelle. Pour ce faire, l’équipe du SPAC doit réaliser un screening resserré des actifs et des sociétés du secteur quand elle définit son projet, sans toutefois franchir la ligne consistant à identifier une cible précise. Les discussions avec la cible ne pourront en effet débuter qu’après l’introduction en bourse du SPAC, dans le respect des règles applicables relatives à la gestion de l’information privilégiée – le SPAC étant une société cotée – et des positions et recommandations y afférentes de l’Autorité des Marchés Financiers.
Outre les fonds levés lors de l’introduction en bourse et les sources classiques de financement d’une opération de fusion-acquisition (financement bancaire, etc.), le SPAC pourra faire appel au marché pour lever de la dette ou des fonds complémentaires ou payer tout ou partie du prix d’acquisition en titres.
L’acquisition initiale peut prendre toutes les formes possibles (share deal, asset deal, apport, fusion, etc.). En fonction de la structuration initiale du SPAC, l’acquisition initiale sera soumise (1) soit à l’approbation de l’assemblée spéciale des investisseurs votant à la majorité des 2/3, sur le modèle de Mediawan, (2) soit au seul vote du conseil d’administration, à une majorité qualifiée incluant le vote de ses membres indépendants, et donnera lieu à l’information des investisseurs par voie de publication d’une notice dédiée, sur le modèle de 2MX Organic. En toute hypothèse, si l’acquisition initiale prend la forme d’une fusion ou d’autres opérations nécessitant une décision des actionnaires, elle sera également soumise à l’approbation de tous les actionnaires du SPAC, en gardant en tête que les fondateurs détiendront 20% des droits de vote en assemblée générale.
[1] Prospectus approuvé par l’Autorité des Marchés Financiers le 27 novembre 2020 sous le numéro 20-583.
[2] Sources : SPAC Insider et SPAC Research (17 décembre 2020).
[3] Directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs dite « Directive AIFM ».